
INTERVIEW avec Perrine DODE – Retour d’expérience de ses échanges et missions avec QUALIANOR Certification
1. Pour commencer, pouvez-vous vous présenter et nous dire comment vous avez connu Qualianor dans le cadre de vos activités ?
Perrine DODE, Présidente Directrice Générale du cabinet ERGO OMNES, Cabinet spécialisé en Santé, Sécurité et Conditions de Travail. Son nom vient de l’expression latine « Erga Omnes » qui signifie « à l’égard de tous ».
Psychologue et ergonome, diplômée de l’Université d’Aix-Marseille, je mets mes compétences au service de l’amélioration des conditions de travail et de la prévention des risques professionnels.
Je suis également Intervenante en Prévention des Risques Professionnels (IPRP), j’accompagne les organisations dans leurs démarches de prévention, de transformation organisationnelle et d’adaptation des postes de travail.
En tant que consultante formatrice, mais aussi chargée d’enseignement dans la filière Management des Risques, je m’engage également dans la transmission des savoirs et le développement des compétences professionnelles auprès des acteurs actuels et futurs de la prévention et de la santé au travail.
Ma vision et mon positionnement m’amènent à travailler autour des sujets santé/sécurité/conditions de travail avec l’ensemble des acteurs de l’entreprise : direction, représentants du personnel, salariés, syndicats, intervenants extérieurs, services de prévention et de santé au travail, inspecteurs du travail, avocats, etc.
L’évolution réglementaire liée aux ordonnances du 22 septembre 2017 a profondément modifié les modalités d’agrément des organismes intervenant auprès des représentants du personnel. Jusqu’alors, ces agréments étaient délivrés par la Direction Générale du Travail. Avec la réforme, une logique de certification est apparue, modifiant le paysage des acteurs reconnus. Dans un premier temps, j’ai travaillé en collaboration avec des entreprises certifiées QUALIOPI et EXPERT CSE par l’organisme QUALIANOR.
C’est en 2022, dans le cadre de ma volonté de voir le cabinet ERGO OMNES devenir certifié « Expert CSE » que j’ai été amenée à contacter QUALIANOR afin de déployer le Système de Management de la Qualité (SMQ) actuellement en œuvre au sein d’ERGO OMNES.
2. Quel est votre parcours en tant qu’IPRP et quelles sont les principales missions que vous réalisez aujourd’hui ?
Depuis 2015, j’interviens en tant qu’IPRP habilité auprès d’organisations de tailles et de secteurs variés. Mon rôle consiste à accompagner les employeurs, l’instance représentative du personnel (CSE/CSSCT) et les salariés dans l’amélioration continue de la santé, de la sécurité et des conditions de travail.
Mes interventions s’inscrivent à la fois dans un cadre réglementaire (évaluations, formations obligatoires) et dans une logique d’amélioration globale des environnements professionnels.
Principales missions réalisées :
- Expertise projet de réorganisation :
Analyse approfondie d’un projet de réorganisation et de son Plan de Sauvegarde de l’Emploi (PSE), avec identification des impacts sur la santé, la sécurité et les conditions de travail
- Formations réglementaires :
Animation de formations obligatoires à destination des membres élus du CSE et de la CSSCT et représentants de proximité
- Risques Psychosociaux (RPS) :
- Formations dédiées aux RPS à la demande du CSE et membres de la direction
- Évaluations des RPS et accompagnement dans l’élaboration de plans d’action adaptés
- Expertise libre sur les RPS dans le cadre de projets sensibles ou de contextes à forts enjeux humains
- Prévention et ergonomie :
- Formations à l’échauffement avant prise de poste (notamment dans les secteurs à forte pénibilité physique)
- Formation à l’approche ergonomique appliquée aux situations de travail
- Diagnostic organisationnel et accompagnement à la co-construction d’actions correctives
- Appui dans des projets de transformation du travail intégrant les dimensions santé, sécurité et conditions de travail
3. Dans vos interventions, travaillez-vous avec des structures certifiées (SPSTI, ISO 45001, etc.) ? Qu’observez-vous quant à l’impact de ces certifications sur la santé et la sécurité au travail ?
Nous travaillons très régulièrement avec les services de Prévention et de Santé au Travail Interentreprises. Dans chacune de nos interventions en entreprise, ces acteurs sont systématiquement consultés et nous veillons à les impliquer autant que possible.
Il est essentiel pour nous de recueillir leur point de vue sur les situations rencontrées, afin d’enrichir notre compréhension. Mais il est tout aussi important de leur présenter nos travaux, car après notre intervention, ce sont souvent eux qui assurent le suivi des situations.
La certification revêt pour nous une importance particulière. À terme, nous souhaitons que l’ensemble de ces services soient certifiés. Cela permettrait de garantir un niveau de service minimum pour les entreprises qui y font appel, ainsi que pour leurs salariés.
Lors de nos missions, nous avons pu constater des disparités importantes dans les prestations proposées par les différents services. Or, l’enjeu est de taille : il s’agit d’assurer une meilleure prévention des risques professionnels, et d’offrir aux entreprises comme aux salariés un accompagnement et un conseil de qualité.
Par ailleurs, nous intervenons dans des secteurs d’activité très variés, dont certains à haut risque (industrie, BTP, chimie, etc.). Il arrive que certaines entreprises clientes soient elles-mêmes certifiées ISO 45001.
Les certifications apportent donc une méthode, une rigueur, et favorisent un véritable engagement des structures vers la professionnalisation de leur système de prévention.
4. Qualianor certifie différents acteurs de la prévention : SPSTI, experts CSE, ISO 45001, et aussi la sécurité dans des environnements à risques spécifiques. Quel regard portez-vous sur l’importance de ces certifications dans l’écosystème de la prévention ?
La prévention des risques ainsi que la santé et la sécurité au travail représentent aujourd’hui des enjeux majeurs. Les impacts sont considérables, tant pour les salariés — en termes de bien-être et de conditions de travail — que pour les entreprises, notamment sur les plans financier, réputationnel ou encore en matière de fidélisation des collaborateurs, particulièrement dans des secteurs fortement concurrentiels. Ces constats rendent indispensable une réelle professionnalisation de ces sujets.
Les certifications, bien qu’elles puissent apparaître comme contraignantes, jouent un rôle clé. Elles permettent de limiter les écarts et les dérives parfois observés dans les pratiques. Mais elles sont surtout stimulantes : elles incitent les structures à se remettre en question, à analyser leurs pratiques, à mesurer leurs actions, à clarifier les rôles et responsabilités, et à structurer leur démarche. En somme, elles poussent à une véritable montée en compétences et en professionnalisme.
Les certifications constituent également un levier pour les services en charge de ces thématiques. Elles peuvent permettre de légitimer les demandes de ressources, de soutien ou d’investissement, et de faire de la prévention des risques professionnels une priorité partagée à tous les niveaux de l’organisation.
Enfin, il s’agit d’un véritable gage de crédibilité auprès des clients, partenaires et financeurs : la certification témoigne d’un engagement fort, concrétisé par la mise en œuvre d’un système de prévention structuré, documenté et suivi dans la durée.
5. À votre avis, en quoi la formation des élus du CSE est-elle un levier stratégique pour faire avancer les politiques de santé et sécurité dans les entreprises ?
Dans un contexte où les risques professionnels sont à la fois omniprésents et lourds de conséquences, le dialogue social occupe une place stratégique essentielle.
Pour pouvoir jouer pleinement leur rôle, les représentants du personnel doivent être à l’aise avec les enjeux liés à la prévention des risques professionnels. Leur implication est décisive pour dynamiser, questionner et faire évoluer les politiques de santé, de sécurité et de conditions de travail mises en œuvre par l’entreprise.
Sur le terrain, nous constatons régulièrement l’influence significative qu’ils peuvent avoir à travers les demandes qu’ils formulent et les sujets qu’ils portent. Encore faut-il qu’ils maîtrisent leurs missions, leurs droits et les moyens dont ils disposent pour agir efficacement.
C’est pourquoi le dialogue social, et la qualité des échanges entre élus et directions, est un levier majeur pour faire progresser la prévention en entreprise.
Dans cette optique, la formation — en particulier sur les sujets relatifs à la santé, la sécurité et les conditions de travail (SSCT) — est absolument indispensable. Elle permet de renforcer la compétence des élus, d’améliorer la qualité du dialogue social, et in fine, de mieux protéger les salariés.
6. Avez-vous un exemple concret où la formation des élus du CSE a contribué à faire progresser une entreprise dans sa démarche de prévention, voire dans le cadre d’une certification ?
Nous avons de nombreux exemples d’élus qui, une fois formés, ont été en mesure de solliciter leur Direction pour initier ou renforcer des démarches de prévention.
Dernièrement, dans une entreprise du secteur de l’électronique, les membres élus du CSE ont bénéficié de la formation réglementaire en santé, sécurité et conditions de travail (SSCT). À l’occasion de cette formation, enrichie d’un regard externe, ils ont pu constater que si la prévention des risques physiques était bien intégrée et structurée, les risques psychosociaux, en revanche, étaient largement ignorés par la Direction.
Cette prise de conscience a marqué un tournant. Les élus ont choisi de faire de la prévention des risques psychosociaux un axe prioritaire de leur mandat. Ils ont engagé un travail actif pour intégrer ce volet dans la politique globale de prévention de l’entreprise.
Progressivement, la Direction s’est impliquée à son tour, notamment grâce aux échanges menés en réunions plénières du CSE. Ce dialogue a abouti à la mise en place d’une démarche d’évaluation des risques psychosociaux, conduite de manière paritaire, en étroite collaboration avec les instances représentatives du personnel (CSE et CSSCT).
Cette expérience illustre plusieurs apports majeurs de la formation :
- Elle a permis aux élus de comprendre les limites du système de prévention existant.
- Elle leur a donné les moyens d’argumenter de façon claire, structurée et crédible face à la Direction.
- Elle a renforcé leur culture sur le sujet, leur permettant de jouer un rôle actif et constructif dans la définition et la mise en œuvre d’une démarche globale de prévention.
7. Selon votre expérience, comment les démarches de certification participent-elles à structurer un dialogue social plus efficace sur les questions de santé au travail ?
Les certifications encouragent fortement les concertations entre la direction, les représentants du personnel et les salariés.
Cette collaboration est une condition essentielle à la réussite d’une politique efficace de prévention des risques professionnels. Nous veillons ainsi à analyser la structuration du dialogue social et la manière dont les représentants du personnel sont impliqués.
Le dialogue social constitue un levier majeur de prévention, et les certifications doivent s’assurer qu’il est pleinement intégré et valorisé dans le système de prévention des risques de l’entreprise.
8. Enfin, quels conseils donneriez-vous à une entreprise souhaitant former efficacement son CSE tout en s’inscrivant dans une dynamique de prévention structurée et certifiée ?
Il est important de choisir un formateur ayant déjà une expérience dans le secteur d’activité concerné, afin de pouvoir se concentrer sur les risques majeurs propres à l’entreprise. Ce formateur doit également disposer des agréments ou certifications requis selon la formation proposée.
Par exemple, pour les formations réglementaires obligatoires des membres du CSE en santé, sécurité et conditions de travail (SSCT), les formateurs ou organismes doivent être agréés par la DREETS de la région où est basé l’organisme.
Il peut aussi être pertinent de vérifier si l’organisme de formation possède d’autres certifications, comme la certification Expert CSE, qui garantissent que les formateurs ont une véritable expérience terrain et s’appuient sur la réalité du travail.
Enfin, je recommande de dialoguer en amont avec le formateur pour lui présenter la politique de prévention des risques professionnels en place ainsi que les projets futurs. Cela lui permettra de s’imprégner de la dynamique de prévention souhaitée par l’entreprise et d’adapter la formation en conséquence.